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« Cap sur le congrès » : pourquoi ce documentaire Netflix est immanquable

Il y a tout juste un an, Alexandria Ocasio Cortez était serveuse dans un restaurant de Tacos dans le Bronx. Aujourd’hui, à 29 ans, elle est devenue la plus jeune élue du Congrès américain et la nouvelle coqueluche de la gauche américaine. Cela pourrait être la ficelle un peu grosse d’un mauvais film sur « l’American Dream ». C’est pourtant l’histoire fascinante d’un documentaire engagé et haletant à voir sur Netflix ce mois-ci.


Alexandria Ocasio Cortez dans le Bronx, Cori Bush à Ferguson, Paula Jean en Virginie Occidentale, Amy Vilela dans le Nevada. Ces 4 femmes décident, aux dernières « midterms » de 2018, de défier les pontes du parti démocrate, confortablement installés dans leur siège depuis des décennies. C’est cette lutte de David contre Goliath qu’a filmée Rachel Lears, réalisatrice au flair incroyable.


Elles incarnent le changement qu’elles espèrent porter au Congrès


Dans un système démocratique miné par le pouvoir de l’argent où « 81 % des membres du Congrès sont des hommes, blancs et millionnaires », l’engagement politique de ces 4 femmes aux parcours atypiques est terriblement enthousiasmant.


Noires, latinas, issues de milieux modestes et non professionnelles de la politique : elles incarnent le changement qu'elles souhaitent voir advenir au Congrès. En 2018, c’est notamment grâce au travail acharné d’associations de terrain comme « Justice Democrats » et « Brand New Congress », qu’un nombre record de femmes et de gens de couleurs se présentent aux élections de mi-mandat.


C’est la ferveur de 4 de ces candidates que l’on va suivre pendant 90 minutes. Leurs convictions profondes, leur envie d’en découdre avec les pontes du parti, accusés d’être achetés par les grandes entreprises et persuadés d’être invincibles.


Le documentaire montre habilement le sexisme à l’œuvre dans le milieu politique.


« En tant que femme de couleur, votre image est passée à la loupe : il faut parler comme ça, s’habiller comme ça…j’ai décidé que je m’en fichais », ces mots de Cori Bush, infirmière afro-américaine, résument à eux-seuls l’audace des 4 candidates. « Je suis Paula Jean, fille de mineur et je suis folle de rage », c’est ainsi que Paula Jean introduit son discours pour pointer du doigt les dégâts environnementaux commis sur ses terres par la puissante industrie du charbon. (Ironie du sort : au moment où j’écris ce billet, fleurit sur twitter le hastag #jesuisfollederage pour dénoncer la misogynie crasse dont a été victime la candidate Claire Nouvian lors d’un récent débat télévisé).


Lors d’une scène mémorable, la candidate Alexandria Ocasio Cortez anticipe les griefs que va lui porter son indéboulonnable adversaire Joe Crowley « il va me dire que je suis trop petite, trop jeune, il va me dire que je n’ai aucune expérience ». On retrouve donc de l’autre côté de l’Atlantique, l’habituelle rhétorique portant sur le physique, les tenues, le caractère soit disant « colérique » voire « hystérique » des femmes politiques qui défendent avec force leurs convictions.


Une leçon de communication


Si la figure d’Alexandria Ocasio Cortez se détache du documentaire, ce n’est pas seulement parce que c’est la seule des 4 candidates à avoir réussi ce pari fou des primaires locales. « Alexandria la Grande », comme la surnomme un de ces militants, se révèle être une formidable oratrice. Le documentaire est truffé de scènes qui illustrent à merveille toutes les notions essentielles à la prise de parole en public.


Au début de la campagne, Alexandria participe à un débat public dans le Bronx où elle est censée affronter son adversaire. Joe Crowley n’a pas jugé nécessaire de faire le déplacement - ce serait dommage de gâcher de l’énergie pour une réunion de quartier devant une cinquantaine d’habitants - il envoie donc une de ses porte-parole visiblement beaucoup moins bien préparée et beaucoup moins à l’aise que Cortez.


Ce qui frappe d’emblée c’est la formidable dextérité de la candidate « outsider ». Ocasio-Cortez ne reste pas assise les jambes croisées derrière la table, elle se lève, occupe l’espace, manie le fil de son micro, aussi à l’aise qu’une rock star. Face aux réponses toutes faites de la porte-parole de Crowley, elle assène des réponses simples et argumentées : elle va à l’essentiel. Elle interpelle le public, leur pose des questions, elle semble prendre un plaisir fou à défendre son combat et à dialoguer avec les quelques habitants du quartier venus assister au débat.


Plus tard dans le film, elle se moque joyeusement du tract de son adversaire conçu par les professionnels de la politique « des stratèges qui ont oublié d’être organisés ». En effet sur le tract de Crowley, pourtant imprimé sur du beau papier glacé, on n’y trouve ni la date de l’élection ni une proposition concrète. Ocasio s’auto-congratule : « moi c’est simple, je veux qu’ils retiennent mon nom, la date du vote et 3 mesures phares ». Depuis son élection, Ocasio-Cortez s’est illustrée dans l’usage des réseaux sociaux pour mobiliser sa base et contribuer à un élargissement de l’engagement civique.


Ce documentaire, auquel personne ne croyait et qui s’est monté notamment grâce à une campagne de « crowdfunding », redonne foi en la politique. Il dépeint la crise de la démocratie représentative, menacée là-bas par l’establishment, ici par la technocratie. Mais ne se contentant pas d’amers constats, il raconte une alternative exaltante : la folle aventure de la candidature.




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