La ministre de la culture a lancé l'opération "La Relève" pour renouveler le profil des futur.e.s dirigeant.e.s du monde de la culture. Sur le papier, l'intention est bonne, il s'agit d'échapper à l'entre-soi dominant (homme, urbain, favorisé) et promouvoir d'autres profils (femmes, milieux populaires, ruraux). Mais, comme le dit justement cet article du Monde, la crise des vocations dans le milieu culturel ne vient pas de nulle part et cette opération ressemble à un pansement sur une jambe de bois.
Je travaille pour le secteur culturel et tous.tes les dirigeant.e.s de scènes nationales ou de salles de spectacle me disent la même chose : le métier est de plus en plus complexe et la rationalisation des moyens a pris le pas sur la création. Dans ce contexte, comment s'étonner que le métier n'attire pas ou beaucoup moins ?
👉 𝐋𝐚 𝐠𝐨𝐮𝐯𝐞𝐫𝐧𝐚𝐧𝐜𝐞 𝐩𝐚𝐫 𝐥𝐞𝐬 𝐧𝐨𝐦𝐛𝐫𝐞𝐬. Le quotidien est rythmé par la chasse aux subventions, de comité en comité il faut défendre son projet, rendre des comptes aux tutelles et répondre aux injonctions contradictoires "𝑠𝑜𝑦𝑒𝑧 𝑎𝑢𝑑𝑎𝑐𝑖𝑒𝑢𝑥 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑣𝑜𝑡𝑟𝑒 𝑝𝑟𝑜𝑔𝑟𝑎𝑚𝑚𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 ! 𝑓𝑎𝑖𝑡𝑒𝑠 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑐𝑢𝑙𝑡𝑢𝑟𝑒 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑡𝑜𝑢𝑠 ! 𝑚𝑎𝑖𝑠 𝑠𝑢𝑟𝑡𝑜𝑢𝑡 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝑚𝑜𝑖𝑛𝑠 𝑑𝑒 𝑚𝑜𝑦𝑒𝑛𝑠 𝑠𝑣𝑝". Le milieu de la culture n'échappe pas au management par les chiffres et cela a des conséquences sociales (difficultés de recrutement, hausse des conflits sociaux...)
👉𝐋𝐞𝐬 𝐬𝐚𝐜𝐫𝐢𝐟𝐢𝐜𝐞𝐬 𝐝𝐮 "𝐦𝐞́𝐭𝐢𝐞𝐫 𝐩𝐚𝐬𝐬𝐢𝐨𝐧" : "𝑂𝑛 𝑠𝑒 𝑙𝑒̀𝑣𝑒 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝑙𝑒𝑠 𝑏𝑎𝑛𝑞𝑢𝑖𝑒𝑟𝑠, 𝑜𝑛 𝑠𝑒 𝑐𝑜𝑢𝑐ℎ𝑒 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝑙𝑒𝑠 𝑎𝑟𝑡𝑖𝑠𝑡𝑒𝑠 𝑒𝑡 𝑙𝑒𝑠 𝑡𝑒𝑐ℎ𝑛𝑖𝑐𝑖𝑒𝑛𝑠"...Ce verbatim d'un patron de salle résume tout. Les métiers de la culture requièrent une disponibilité horaire extensive, or le milieu n'échappe pas aux tendances profondes du monde du travail : les jeunes ne souhaitent plus tout accepter sous prétexte qu'ils ont un "métier passion". Aller voir des spectacles tous les soirs pour aiguiser son oeil, découvrir des artistes, construire son réseau...certes cela fait partie du métier mais cela se fait forcément au détriment de la vie privée...Combien de jeunes femmes douées et compétentes ai-je entendu me dire que la perspective d'avoir un enfant était inenvisageable avec ce rythme de travail... ? Faire carrière ou faire un enfant, dans le milieu culturel, le choix est encore plus difficile qu'ailleurs.
Cette opération "La Relève" pointe un vrai problème (le manque de diversité) mais ne s'attaque pas aux causes plurielles de la crise des vocations. La précarité croissante, l'intensification du travail, le sexisme ordinaire et le poids des "boy's club"...Le milieu culturel - et ses métiers essentiels - méritent mieux que ça.
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