16% de résidences secondaires à Douarnenez, 28% à Saint-Malo, 70% à Carnac.
Alors c'est sûr, tout le monde aime la Bretagne.
D'ailleurs on lit partout que la région est attractive et que le télétravail aurait engendré une "ruée vers l'Ouest". Vraiment ? Oui, la Bretagne attire mais d'abord sur son littoral et surtout des personnes âgées (66% des détenteurs de résidences secondaires ont plus de 60 ans).
Dans ce livre "Habiter une ville touristique" écrit à plusieurs mains, les chercheurs explorent les impacts de la touristification d'un territoire en se concentrant sur l'exemple éloquent de la petite ville de Douarnenez. A l'origine, Douarnenez était une ville populaire : les hommes pêchaient la sardine, les femmes la mettaient en conserve. Puis, vint le déclin industriel. La sardine déserte, les marins restent à quai. Les élus partent alors à la pêche aux touristes.
S'enclenche alors un processus de "patrimonalisation" : "l'alliance du musée et de la boutique à souvenirs". On mise tout sur le folklore breton : les maisons sont repeintes en bleu et blanc, et le kouign amman en veux tu en voilà. Dans le même temps, les bars trop bruyants sont pointés du doigt, les locations de courte durée explosent. On préfère louer sa maison quelques semaines par an via Air Bnb plutôt que de signer un bail à des locaux. Résultat : en hiver, la ville se vide et les plus modestes ont toujours plus de mal à se loger.
Je ne suis pas urbaniste, ni spécialiste mais j'ai trouvé cet ouvrage particulièrement éclairant pour 2 raisons :
--> On savait que le phénomène de "airbnbisation" concernait les grandes métropoles européennes (Barcelone, Lisbonne, Amsterdam…), mais qu'en est-il dans les petites villes et villes moyennes ? Les auteurs reviennent sur les collectifs de citoyens qui s'organisent pour pousser les élus à légiférer, notamment à Saint-Malo et Bayonne.
--> Les auteurs précisent bien qu'ils ne sont pas "anti-touristes" mais posent les bonnes questions : à qui profite cette touristification? Quelles conséquences pour les plus précaires ? Les travailleurs saisonniers ? Bref, dans quelle ville voulons-nous vivre ?
Je n'habite pas en Bretagne, mais à Dunkerque. Une ville du littoral, qui a aussi connu la désindustrialisation. Certes, les dynamiques ne sont pas tout à fait les mêmes. Ici, les élus misent tout sur la décarbonation et "l'industrie de demain". Soit. Mais le processus de touristification est lui aussi bien à l'œuvre : les meublés touristiques ont bondi de 47%, les prix des loyers augmentent et la patrimonalisation des usages populaires n'est jamais loin (le carnaval ok ; les bars et les boîtes qui font du bruit non merci). Le Nord n'est pas encore comparable à la Bretagne (3% de résidences secondaires à Dunkerque) mais les enjeux climatiques pourraient changer la donne…
Plutôt que d'être obsédés par l'attractivité du territoire, les auteurs suggèrent de penser la question de l'hospitalité des villes : comment accueillir, mais surtout, comment faire rester ?
Pour commander le livre directement chez l'éditeur : https://www.editionsducommun.org/products/habiter-une-ville-touristique-droit-a-la-ville-douarnenez
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